Un après-midi de chien est un film étatsunien réalisé par Sidney Lumet, sorti en 1975 (dont le titre original est : Dog Day Afternoon) et qui réunit Al Pacino comme interprète principal avec, à ses côtés, John Cazale qui est mort assez jeune quelques années après le tournage.
Ce film n’est pas loin de se présenter comme une œuvre théâtrale s’inscrivant dans la règle des trois unités (action, temps et lieu). Si les deux premières règles sont assez strictement respectées, la troisième l’est aussi en grande partie, mais pas complètement.
L’intrigue démarre simplement : au cœur d’un été de la première moitié des années 70, deux individus font irruption un après-midi dans une banque située le long d’une artère commerçante et passante de Brooklyn (New York) pour y effectuer un braquage.

Assez vite, le plan ne se déroulant pas comme prévu, les forces de l’ordre sont alertées et encerclent avec célérité l’extérieur de la banque. À partir de là, le film oscille entre scènes à l’intérieur de la banque avec les deux braqueurs et leurs otages, et scènes à l’extérieur de la banque où les policiers, vite rejoints par des hordes de médias d’information, négocient principalement avec le braqueur interprété par Al Pacino.

Cette succession de scènes en intérieur et en extérieur renforce l’impression d’une pièce de théâtre, car, avec Al Pacino (homme de théâtre en début de carrière, puis arrivé dans le monde du cinéma quelques années après son démarrage sur les planches) qui passe allégrement et de façon répétée de l’intérieur de la banque vers la rue suivant les besoins de l’intrigue, et vice versa, il se produit presque l’illusion d’un personnage que l’on suit physiquement sur la scène principale d’un théâtre (avec comme parti pris de considérer que la scène principale est l’intérieur de la banque), puis dans l’immédiateté de cette scène principale, lorsqu’il se dirige une fois en direction de la cour jouxtant l’arrière de la banque (que l’on pourrait opportunément désigner comme étant le côté cour de la scène principale), et lorsqu’il se rend à plusieurs reprises dans une autre partie des coulisses de la scène, à savoir le trottoir au pied de l’entrée de la banque (la rue devenant alors pas défaut le côté jardin de la scène principale). C’est cette dernière partie des décors du film, celle en extérieur, dans la rue, qui va nous intéresser.
Comme présenté quelques lignes plus haut, la rue a été envahie par la police, par les médias avec leurs appareils photos, leurs micros et leurs caméras pour couvrir la prise d’otage en direct (quelques années plus tard, en 1985, Bayan ko de Lino Brocka montrera également très frontalement une prise d’otage transmise en direct par les médias philippins, notamment par la télévision), et par une foule maintenue à distance pour des raisons de sécurité derrière des barrières mobiles (celles bien typiques de la police étatsunienne : en bois et formées par une seule barre rectangulaire reposant aux extrémités sur deux appuis triangulaires). Mais, à la faveur de la tombée de la nuit, une partie des policiers, au moyen de grandes lampes sur pied, commence à éclairer la porte d’entrée de la banque et la vitrine de l’établissement.

Ce qui pousse alors à penser que ces policiers qui orientent les lampes pourraient n’être rien d’autre que les éclairagistes du tournage du film. Puis par extension, que les reporters de presse avec leurs appareils photos pourraient n’être rien d’autre que les photographes de plateaux, que les reporters radio avec leurs micros pourraient n’être rien d’autre que les preneurs de son, que les reporters TV avec leurs caméras pointant vers la porte de la banque pourraient n’être rien d’autre que les chefs opérateurs en charge de capter les incursions effectuées par Al Pacino hors de la banque, et que les figurants formant la foule tenue plus à l’écart de la scène, foule qui par ailleurs prend fait et cause pour les braqueurs, pourraient n’être rien d’autre que des passants curieux et des habitants du quartier observant le plateau de tournage et la scène qui s’y tourne. Si Sidney Lumet avait voulu nous offrir une habile translation entre une intrigue cinématographique et un aperçu des coulisses d’un plateau de tournage de film, il n’aurait pas pu mieux s’y prendre !
Vingt ans plus tard, en 1995, Al Pacino sera un des principaux protagonistes de Heat (de Michael Mann). Un film dans lequel il interprète un policier traquant un groupe de braqueurs dont le leader est incarné par Robert de Niro. Heat se termine presque dans les mêmes conditions qu’un Un après-midi de chien : de nuit sur le tarmac d’un aéroport étatsunien, avec de poétiques effets lumineux provenant soit de l’éclairage latéral installé le long des pistes de décollage et d’atterrissage, soit des lumières des avions circulant sur les pistes, soit des gyrophares de voitures de police.

Autrement, il est à noter quelques différences entre les deux œuvres. Heat se déroule à Los Angeles, l’autre grande mégalopole des Etats-Unis, et plusieurs braquages ont lieu pendant le film. Enfin, alors que dans Un après-midi de chien le film ne donne à entendre, en tout et pour tout, que deux coups de feu, dans Heat les coups de feu sont audibles par centaines. Peut-être même par milliers.
Max Alley, 2025

