
Il s’agit du troisième film de la trilogie inaugurée par La 36e chambre de Shaolin (1978) et le Retour à la 36e chambre (1980), tous écrits, dirigés et chorégraphiés par Liu Chia-liang. Réalisé également pour les studios de la Shaw Brothers et en 1985, l’action des Disciples est centrée non plus sur Gordon Liu (comme dans les deux premiers volets), mais sur Hsiao Ho qui interprète ici l’artiste martial Fang Shiyu (héros folklorique à l’historicité incertaine) que reprendra Jet Li quelques années plus tard et sous la direction de Corey Yuen (La Légende de Fang Shiyu I et II, 1993).
Ce 3e volet, méconnu, est un pur chef d’œuvre du film de kung fu où il n’est plus question d’apprentissage ou d’initiation tant son protagoniste est un personnage dissipé, un cancre magnifique dont les turbulences ne font que mettre à l’épreuve sa dextérité déjà acquise, et innée, pour les arts martiaux. C’est à son entourage de faire preuve de sagesse et d’inventivité pour le et les sortir des mauvais pas de celui-ci… De plus, l’action se situe dans une Chine gouvernée par les oppresseurs Mandchous… Le caractère intempestif de Fang Shiyu permet aussi de mettre en valeur le personnage d’une mère tout autant imprévisible qu’originale dans un paysage plutôt masculin. Dure à cuir, mais aimante et lucide, elle est toute aussi virtuose en arts martiaux que son fils et a même été le maître de ce dernier pour palier à l’absence de son père. Elle est interprétée avec brio par Lily Li.
Fang Shiyu est donc un personnage arrogant mais qui a de la volonté et qui permet, avec ses défauts, de contrebalancer aussi la charge propagandiste et raciste du film envers les mandchous caricaturés autant que les japonais dans La Fureur de vaincre (1972) de Lo Wei. De plus, la dextérité martiale du protagoniste turbulent contredit les préceptes moraux de tout apprentissage du kung fu qui se respecte, et notamment la retenue et la sagesse ! Ce héros populaire aime se battre et cherche la bagarre. Son insolence et son courage permet au film d’avancer et d’envoyer paître les convenances, l’hypocrisie et la peur d’être sous le joug des oppresseurs. Son insolence permet également d’être le garant des scènes d’action du film et de dénouer les enjeux dramatiques. Ne plus compter sur la diplomatie ou l’hypocrisie politique contrainte et obligatoire, ce qui révèle définitivement ce personnage de fiction exemplaire qui met littéralement et systématiquement les pieds dans le plat et, au travers de son personnage mythique de cancre exemplaire, permet de rejoindre d’autres personnages tout autant mythiques de l’univers des arts-martiaux comme le sabreur aveugle japonais (Zatoïchi) ou le combattant ivre (Drunken Master) !
Au vu de la dextérité martiale de sa vedette Hsiao Ho, force est de constater l’injustice de l’Histoire du cinéma, capricieuse, lunatique ou inconsciente de l’avoir oublier… Seuls les films de Liu Chia-liang dans lesquels il apparaît (Mad Monkey Kung Fu, Les 18 armes légendaires du kung-fu) peuvent témoigner de sa fulgurance avant que Sammo Hung le réduise à des cascades anonymes.
Corey Yuen reprendra ce personnage de Fong Sai-Yuk (interprété cette fois-ci par Jet Lee) dans La Légende de Fong Sai-yuk (1993), mais en lui faisant partager la vedette avec la mère de celui-ci (géniale Joséphine Siao). Déjà importante dans Les Disciples de la 36e chambre, la mère dépassera même la turbulence et le caractère impulsif, pour ne pas dire tumultueux, de celui-ci ! Fang Si-Kuk, personnage rocambolesque fantaisiste et populaire, ne semble pas avoir existé ; il est le versant négatif, mais cathartique, de la figure historique Wong Fei-Hung.
Derek Woolfenden, 2021

