Le film narre les déboires d’un policier, John McClane (Bruce Willis), en prise avec une armada de terroristes qui retiennent en otage sa femme, ainsi que les salariés d’une grande tour en verre, le soir de Noël.

Piège de cristal (Die Hard) décrit l’univers projectif d’un flic dont les problèmes conjugaux sont transposés dans une immense tour. La rigidité architecturale de ce huis-clos spectaculaire fait écho au caractère ambitieux de sa compagne qui en est prisonnière. Le film a pour enjeu de rendre flexible la tour, de l’affaiblir physiquement (et affectivement) par des explosions, des brisures, des éboulements et de nombreux tirs d’armes à feu « perforants » en tout genre. La tour représente aussi l’inflexibilité de sa femme en affaires, renforcée par l’intrusion de terroristes qu’elle a inconsciemment provoquée dans une tradition hollywoodienne où la femme-mère enfante des monstres, du premier King Kong aux Oiseaux hitchcockiens…
Les terroristes du film, dont l’appât du gain est caché derrière un alibi politique et révolutionnaire qu’ils revendiquent, sont des incarnations d’affects mal investis et non finis. Ils forment une entité, mais pris individuellement, ils se montrent fragiles et vulnérables, contrairement à McClane qui réactive l’imaginaire d’un Far West pur et dur dans lequel il s’est lui-même anobli en justicier et shérif. Il rappellerait même un enfant mimant son imaginaire de légendes ou un petit homme rétrécissant dans un remake déguisé du film éponyme de Jack Arnold (L’Homme qui rétrécit).

Une corrélation entre otages et terroristes va se créer ; les uns (les terroristes) n’étant que les monstres fantasmés des autres (les otages). La présence de John McClane va conférer à ces « monstres » un peu plus de matière et de fantaisie comme s’il déteignait sur eux, avec la complicité du réalisateur qui en profite pour y convier ses propres canons de cinéphile (Roy Rogers, John Wayne, Gary Cooper). Et John McClane/McTiernan finit par manipuler la tour comme un gouffre aux chimères qui entraînerait toute l’Amérique dans une farandole endiablée. Ridiculisée, la police se révèle incompétente, le FBI aveuglé par ses fausses certitudes et les médias de véritables carnassiers.
Ce n’est pas innocent que cette « tour infernale » soit faite de verre, autrement dit de glaces dédoublant une Amérique qui, plus que jamais après l’ère de Reagan, crée des images/mirages pour « censurer », confondre certaines vérités et ensevelir différences sociales et culturelles. Selon McTiernan, on serait toutes et tous menacés de devenir comme les otages ou les terroristes/ cambrioleurs du film : des êtres aliénables et esclaves de leurs désirs artificiels…

Derek Woolfenden (paru dans un fanzine en décembre 2020, mais à l’origine ce texte apparaît dans son film France Télécom / Live Hard, 2013)

