The Hidden (États-Unis, 1987) de Jack Sholder

Un flic de Los Angeles, Tom Beck (Michael Nouri), à qui il est adjoint contre son gré un mystérieux agent du FBI, Lloyd Gallagher (Kyle MacLachlan), enquête sur une série de crimes commis par d’honnêtes citoyens tombant du jour au lendemain dans une sorte de démence. Beck découvre non seulement que l’ennemi est un alien prenant possession des corps humains de passage pour perpétrer ses méfaits, mais aussi que son coéquipier du FBI est lui-même un visiteur des étoiles.

« Où est passé le bon vieux temps des colts ? » (Le flic Beck constatant les armes à feu de plus en plus sophistiquées accessibles à l’Américain moyen)

Réalisateur émérite de l’un des meilleurs films de la série des Freddy inaugurée par Wes Craven et d’un excellent premier film, Alone in the dark (Déments), Jack Sholder fut monteur de bandes-annonces et de films pour la firme New Line Cinéma. Avec Hidden, il signe peut-être son film le plus notoire qui montre un savoir-faire technique étonnant pour une série B à budget moyen, comme l’atteste, sitôt fini le générique d’ouverture, une course-poursuite qui n’a rien à envier à Bullitt, à French Connection ou au début anthologique de Plein la gueule. Jack Sholder préconise le mélange des genres : le film d’action, le film policier (voire le «buddy movie »), le film d’horreur, le film fantastique et la SF.

Le postulat génial du film réside dans cette question ironique : « Si l’Américain moyen assumait tous les fantasmes prescrits par notre société de sur-consommation actuelle, qu’arriverait-il ? ». Cela donnerait des êtres en parfaite « chute libre », des êtres-fonctions obéissant à leurs désirs matériels comme des bêtes par l’intermédiaire de l’alibi narratif d’une créature venant de l’espace. Dans The Hidden, au contraire de la grande majorité des films de SF produits durant la guerre froide, les monstres de l’espace ne sont pas ces doubles russes qui menacent les États-Unis (donc le Monde), mais le miroir allégorique et critique de l’Américain moyen, son authentique double (l’insistance du miroir à chaque transformation). Du coup, par un effet de convoitise du regard dont se jouent les néons, publicités et autres annonces vendeuses, l’Américain moyen serait un tueur psychopathe dans la mesure où la propagande mercantile constante et interdépendante de notre vie sociale et quotidienne est traitée par Sholder comme un virus, un principe de contamination qui reprend non seulement le mythe génial du « body snatching » de Don Siegel (dont The Thing de John Carpenter est l’un des meilleurs avatars), mais aussi celui du zombie critique inauguré par La Nuit des Morts vivants et parachevé dans toute sa superbe par Zombie du même auteur, George A. Romero. En effet, pour Sholder, tous les Américains moyens sont coupables (et potentiellement contaminables) comme l’atteste ce vendeur de voiture qui est aussi un receleur d’armes ! Les clins d’œil critiques et ironiques du film de Jack Sholder ne s’arrêtent pas là…

À la fin du film, la créature assimile un sénateur et se barde d’agents de sécurité : démonstration de ce que notre système politique ne traite ou ne juge pas les pourris de ce monde ! Ce final cynique et cathartique (qui légitime le meurtre d’un sénateur de sang froid) rappelle le final de Dead Zone de David Cronenberg…

Derek Woolfenden (sous le pseudonyme Takezo Ichikawa, et paru dans le fanzine Kill The Darling le 17/05/2021)