
« Une vie mise au ban, c’est alors une vie rendue étrangère par le fait qu’elle ne participe plus à une commune humanité, le genre humain, du fait qu’elle a perdu l’un de ses genres d’action privilégiés. Une vie ainsi défaite est une vie qui, en étant privé d’un genre d’action considéré comme majeur, se soustrait au genre humain. L’étranger qu’une vie devient est alors une vie de mauvais genre, tant le genre d’action qui fait défaut fait ressortir par contraste la loi du genre jusque dans sa privation. (…).
A force d’être rendu invisible, ce que fait l’homme invisible non seulement ne compte plus mais s’absente de tout patrimoine, n’est même plus retenu dans le filet de l’agir humain. (…). Si la visibilité sociale se nourrit de la possibilité d’être reconnu dans ce que nous faisons, l’invisibilité sociale répond, plus encore que d’un déni de reconnaissance, d’un déni de perception de l’agir d’un sujet ainsi potentiellement renvoyé dans la folie, c’est-à-dire dans l’ « absence d’œuvre ». (…).
Ne pas pouvoir faire œuvre indique alors tout un trajet négatif dont la subalternité, la précarité et l’exclusion sont les trois formes qui ne cessent de s’ouvrir l’une à l’autre et de creuser ainsi les conditions de l’invisibilité sociale. » (Guillaume le Blanc, L »invisibilité sociale)

