2014-04-26_16h11m21

Sources : deimantas narkevicius, marc baron, patrick farmer & david lacey, françois dufrêne, gavin bryars, jason lescalleet, toshiya tsunoda & manfred werder, danielle arbid

« Les droits de l’homme ne nous feront pas bénir le capitalisme. Et il faut beaucoup d’innocence, ou de rouerie, à une philosophie de la communication qui prétend restaurer la société des amis ou même des sages en formant une opinion universelle comme « consensus » capable de moraliser les États, les nations et le marché. Les droits de l’homme ne disent rien sur les modes d’existences immanents de l’homme et de la femme pourvu de droits. Et la honte d’être un homme, nous ne l’éprouvons pas seulement dans les situations extrêmes décrites par Primo Levi, mais dans des conditions insignifiantes, devant la bassesse et la vulgarité d’existence qui hantent les démocraties, devant la propagation de ces modes d’existence et de pensée-pour-le-marché, devant les valeurs, les idéaux et les opinions de notre époque. L’ignominie des possibilités de vie qui nous sont offertes apparaît du dedans. Nous ne nous sentons pas hors de notre époque, au contraire, nous ne cessons de passer avec elle des compromis honteux. Ce sentiment de honte est un des plus puissant motifs de la philosophie. Nous ne sommes pas responsables des victimes mais devant les victimes. Et il n’y a pas d’autres moyens que de faire l’animal (grogner, fouir, ricaner, se convulser) pour échapper à l’ignoble : la pensée même est parfois plus proche d’un animal qui meurt que d’un homme vivant, même démocrate. »

G. Deleuze, F. Guattari : Qu’est-ce que la philosophie?